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Secret de psy #1 – Valentina

En tant que Femme, la Confiance en soi est une composante essentielle au bien-être et à l’épanouissement. Pourtant, et je n’apprendrai rien à personne, c’est ce qui est le plus souvent à « travailler » lors de mes consultations.

Malgré que ma pratique fasse partie des thérapies brèves, il arrive que nous ayons à suivre des patients pendant plusieurs mois, parfois plusieurs années. Je les appelle mes « Patients Historiques ».

Et j’ai le plus grand respect pour eux.

Aller préparez-vous car là on touche le Top du Top.
C’est aussi le plus long article du blog, alors préparez les gourdes.

Voici Valentina

Valentina à vécue recluse chez elle pendant plusieurs années suite à divers traumatismes pas sympatoches, bien moches, et dont je vous épargne l’horreur.

Enfermée, emmurée dans un trouble anxieux généralisé où la vie sociale n’existe pas, avec une famille aussi inexistante que toxique, Valentina ne sort que pour faire ses courses, et encore.

Si son trouble se manifeste, elle peut choisir de se rationner et ne manger qu’un repas par jour.

Pas de boulot, pas d’avenir, un trouble anxieux et un bonne dose de syndrome dépressif. Tout est bien installé pour nous faire chier à reconstruire les fondations d’une bonne confiance en soi chez cette jeune femme.

On a donc affaire à une bonne coloc’ de connards bien décidés à rester là.

Alors effectivement, c’est plus une croute qu’un beau tableau clinique au départ, mais attendez la suite.
Après avoir tenté plusieurs thérapies et professionnels de santé, elle débarque à mon cabinet, pour « voir ».

Ni cigale ni fourmi

Valentina et moi avançons à demi-pas de fourmi lors de nos premières séances. 

Valentina n’a confiance en personne.
Elle parle peu.

On déroule le fil de sa vie, survolant l’indicible, côtoyant l’inacceptable, l’horreur et la torture.

Elle commence à accepter de désensibiliser certains souvenirs avec l’EMDR.

Plus tard, on bricole un soupçon d’estime de soi afin de passer à des exercices in-vivo : aller dehors et commencer à (re)vivre.

On arrive – après quelques semaines – à pouvoir acheter le pain, sans parler.

On fractionne les courses pour sortir plus souvent. Valentina s’exerce à s’assoir sur un banc, à regarder la mer. Valentina se force à faire des détours à pieds pour rester plus longtemps dehors, elle compte les secondes.

Je compte les premières victoires.

Valentina avance, et aller se promener quelques minutes, tout en portant encore un pétrolier d’anxiété sur le dos, est maintenant faisable.

Plus tard, on affronte un nouvel ennemi depuis longtemps évité, oublié : le regard des autres.

Être visible est insoutenable, penser « qu’ils » pourraient lui adresser la parole est impensable. Trop risqué. Trop douloureux.

Mais au fur et à mesure, elle gagne du terrain.
Comme dans Risk, elle gagne des territoires.

La boulangerie est sienne. Elle dit bonjour, parfois merci.

Elle arrive à lever les yeux et observer la rue à quelques mètres devant elle. Le monde devient tout à coup plus grand, moins borné à cette boite qu’est son petit appartement.

Malgré de puissants doutes anxieux, elle réalise que finalement, personne ne se moque, personne ne vient profiter d’elle ou la faire souffrir.
Elle ne comprend pas vraiment pourquoi, mais accepte cette différence entre le perçu et le réel.
En parallèle, la désensibilisation marche bien, elle peut repenser aux traumatismes de son enfance, la violence vécue pendant l’adolescence, et toutes les atrocités qui ont émaillé son existence.

De cette cellule, on pète certains barreaux cognitifs, de ceux qui limitent sa pensée.

Un jour, elle tire les rideaux, ouvre les fenêtres.
Et pousse les volets.

Lumière, Maestro !

Valentina apprécie la lumière du soleil qui perce ses carreaux entartrés, devenus opaques par le poids des mois, peut-être des années.

On décide d’en laver un par semaine.

La lumière qui entre progressivement dans son appartement semble éclairer son humeur, telle la bougie d’une Gueule Noire dans sa mine. Une clarté hésitante qui tente de la guider vers une sortie dont la direction est encore incertaine.

J’entend un « C’est plutôt cool », premier mot à valence positive entendu depuis que je connais cette personne.
Suivi d’un « Mais ça ne durera pas ».

Je ne relève pas ses mots – car elle est enfin debout – alors on continue d’avancer, séance après séance.
Dans son antre, on ritualise chaque semaine un tri, pour jeter des objets, des papiers, qui encombrent le salon de ce studio devenu surpeuplé d’objets inutiles, telle la caverne de Diogène.

L’extérieur de son monde intérieur s’agrandit, son appartement aussi, les limites de la rue sont infinies.
On va faire les courses au supermarché plus loin.

On marche davantage, on active les muscles, on secrète des endorphines, le corps remercie et elle se sent mieux.
Ça la surprend, elle qui ne comprend pas toujours pourquoi ça semble si simple certains jours.

Neurones miroirs

Elle se regarde dans le miroir pendant 30 secondes chaque matin. Elle a pour consigne de se sourire à elle-même.
« C’est naze, ça sert à rien ».

Mais elle le fait, ayant compris qu’activer certains de ses muscles trop longtemps oubliés allait allumer certaines aires cérébrales liées au plaisir.
De ce paradoxe entre un sourire forcé et la réalité pas folichonne, apparaissent des fous rires.

Nerveux d’abord, et puis de colère et de rage, soulignant une volonté inattendue de tout changer, de tout envoyer chier.

La volonté de reprendre le dessus.

On envisage de trouver une utilité à cette existence. Un travail. Inenvisageable, elle ne « sait rien faire, ne sert à rien ».

On y reviendra.

Les autres

Le monde de Valentina se déplie, elle ouvre les rideaux sur la scène de sa vie, et découvre un public bienveillant constitué de connaissances qui deviennent peu à peu…des amis.

Mais il y a aussi les déceptions, les manipulateurs…encore des échecs et des souffrances.

Mais Valentina ne lâche rien, elle hâte son rythme, mais se casse la gueule parfois, devant les gens qui l’impressionnent : tantôt un vendeur, tantôt lors d’une discussion téléphonique.

Valentina ne trouve alors plus les mots, fait demi-tour, honteuse. Stress, tristesse, colère contre elle-même, colère contre le monde.
Contre ce monde qui ne l’a jamais voulue.

Elle n’a pas la répartie, ni la vitesse de traitement cognitif nécessaire. Elle manque d’intelligence, elle est bête.

Et Valentina y croit.

Pourtant, les amis sont toujours plus nombreux. Toujours plus fiables, serviables, aidant, parfois aimants.

Tout doucement, ces « autres » jouent un rôle déterminant dans l’image authentique que Valentina se renvoie.

Mais Valentina continue d’éviter certaines situations : des moments à plusieurs ? Ok, mais pas à plus de 3 personnes. Ça la stresse, ça l’embrouille, elle ne pourra pas contrôler ce torrent d’anxiété.

Alors on sélectionne et Valentina compose avec les gens, décline parfois par stress, mais de plus en plus par choix.

Elle apprend tout de la psychologie, on parle de profils, de comportements, de troubles de personnalité.
Et Valentina discrimine les bonnes personnes des profiteurs, les amis des voleurs, les même qui lui ont tout pris il y a de ça bien longtemps.

Et puis un beau jour, elle arrive en se surprenant elle-même, à répondre.
Valentina a dit « Non ».

Un « Non » à une invitation. Pas qu’elle veuille éviter, mais plutôt car elle distingue doucement ce qui lui plait, de ce qui fait plaisir aux autres.

Son premier grand pas vers l’individualité.

Elle

Si Valentina ne déteste plus le monde, elle ne l’aime pas encore. Tout comme son corps. 

Ce corps qu’elle ne ressent plus, qui la dégoute. Cette enveloppe qui a subit trop de coups, d’abus. Elle se renvoie l’image d’un esprit enfermé dans une dépouille plutôt que dans une matière organique vivante, mouvante.

Parfois elle se sent mourante.

On y travaille, elle se réapproprie une vision objective.

Rien n’est impossible. Elle est convaincue.

Néanmoins, Valentina doit composer avec ce corps. Elle le hait, c’est « lui » qui porte le poids des hommes qui l’ont souillée, abimée, meurtrie.

Nous travaillons alors à le redécouvrir.
Elle doit le faire seule, sans le regard des autres.

Noter ce qui lui déplait, pourquoi et comment, depuis quand, à cause de qui. Ce qu’elle ne regarde plus, elle doit maintenant le fixer, pendant de longues minutes d’exposition, nue face à ce miroir en pied merdique qui lui sert d’outil thérapeutique.

Désolation. Ça ne marche pas totalement, je reconnais ne pas être efficace, je rame carrément.

Peut-être que Valentina serait mieux accompagnée avec une femme.

Pour parler de corps de Femme, mieux vaut jouer sur le même terrain, et là je suis sur la touche.
Je propose un changement de Coach, Valentina refuse, puis tente quelques séances, et revient.

Les choses ont avancé et Valentina rit parfois. À force d’efforts, ce corps la fait rire, il est « improbable » comme elle dit, et l’accepte en partie comme cela.

Valentina n’est pas encore femme, mais être humain.

Valentina devient vivante. Elle accepte de troquer le noir et le gris contre – comble de la folie pour elle – un accessoire de couleur.

Elle tente l’impensable et sort, osant se montrer avec ce nouveau look auprès de ses proches, et même des inconnus.

Valentina ne cherche plus à diminuer les aspects négatifs, mais aspire à du positif, du palpable, du sincère, de l’approbation bienveillante.

C’est une nouvelle victoire, mais elle ne le sait pas encore.

Découverte

Si à l’impossible nul n’est tenu, Valentina tient à tout et se relève toujours. 

Elle qui rampait il y a 18 mois, boite, se prends boite sur boite aussi, mais se relève systématiquement en faisant un bras d’honneur à toutes les situations foireuses.

L’été arrive, et elle fait tomber les manches. Découvrir ses bras est aussi terrorisant pour elle qu’être nue devant 500 caméras retransmettant les images au monde entier.

Ces bras révèlent les stigmates de ces années de calvaires, qu’elle a abimés à coup de rasoir ou de cutter, fuyant une douleur psychique pour ressentir enfin quelque chose de vrai, physique cette fois. Ce geste la soulageait immédiatement, mais ces plaies nouvellement refermées s’infectaient de honte si tôt une nouvelle entaille perpétrée.

Aujourd’hui, ces bras privés de leur protection de textiles tentent de se dissimuler par sa position effarouchée.

Elle travaille sur sa posture, tente le fil au dessus de la tête, se sent nulle, conne et prétentieuse à lever le menton, à regarder devant elle.

Valentina s’entraine dehors, à marcher comme une danseuse, seule à savoir le poids des secrets qu’elle transporte, au nez de toutes, de tous.

Faisant ainsi, elle prend pourtant vingt centimètres, et commence à voir le monde d’un autre oeil. Cette modeste altitude lui fait réaliser que les gens se comportent différemment quand elle se tient droite. « Ils semblent me respecter » me dit-elle, « c’est vraiment super con l’humain quand même ».

Elle rigole de son nouveau super pouvoir, se l’approprie, l’oublie parfois à la maison, le remet, l’étoffe et le développe de moults gestes plus assurés les uns que les autres.

Valentina prend un café, elle regarde les gens. Elle n’a plus de lunettes de soleil. Elle croise des regards et croise cette copine de merde qui lui pique le coeur : l’angoisse d’être rejetée.

« Va chier » lui dit-elle.

« Cas 2000 »

Et maintenant, comment faire pour aller plus loin ?

Elle est en Corse, pas à Paris et ses 200 moyens de transports disponibles.

Il lui faut…une voiture. Un permis. Passer un examen. Apprendre. Côtoyer un moniteur pendant de longues heures.

Rentrer dans une auto école.
Mais rentrer dans l’auto-école passe encore.

Elle s’inscrit, enchaîne les sessions de code, flippe sa race d’échouer à l’examen, d’être la risée de la promotion, et de repartir à zéro.

Dans l’échelle de son ascension vitale, échouer c’est rajouter dix, cent, mille barreaux de plus, emportant chacun d’eux les restes de sa motivation.

Mais Valentina tient bon. Elle repousse parfois ses entrainements, mais y revient.
Elle grimpe tous les jours, évitant les fautes, les panneaux sens interdit et le ballon rouge cachant dans l’angle mort un enfant lui encore bien vivant.

Ouf, pas écrasé. Un point de gagné.

Et point après point, elle apprend, et prend confiance dans cette fiction routière qu’elle travaille sans relâche.

Elle sort, on l’appelle pour un restaurant. Elle reprendra demain. Valentina ingurgite ses cours, frénétique d’une réussite qu’elle croit à sa portée.

Elle vogue vers ses objectifs, essuyant les tempêtes d’une session foirée, avec bien trop d’âneries pour être présentable à l’écrit.

Mais peu à peu, l’horizon s’éclaircit, et le rivage d’un évènement se dresse là, juste devant elle.

Elle ferme les yeux.
Elle tombe de haut.
C’est le choc.

Valentina vient d’obtenir son code.

Revanche

Sa première réussite à un examen, elle qui a arrêté sa scolarité au collège, sans avoir son brevet.
Elle qui à 14 ans suintait déjà depuis longtemps le stress par chaque pores de sa peau, inoculé par les porcs de son précédent caveau.

Valentina vient de gagner après 20 ans, son premier ticket à destination d’indépendance.

Elle hurle par message.

Circulez, y’a tout à voir

La suite est moins folle, car plus rien ne l’étonne : elle obtient son permis – tout est relatif – sans difficultés.

Elle peut maintenant circuler, naviguer et sillonner sur les routes de Corse.

Valentina sait parler, demander sa route, faire le plein et peut aller payer devant n’importe qui en disant « bonjour », « merci », « au revoir ».

L’infini des possibles s’ouvre à elle.

J’ose un « Et le continent ? »
Je me fais rembarrer. Sa répartie est devenue cinglante.

On ne dit plus à Valentina ce qu’elle peut ou doit faire, car à ce moment là, et en plus de celle de sa voiture, elle s’est offerte la meilleure assurance : la sienne.

Elle ouvre les yeux sur le bonheur d’être libre, d’aller à la plage, découvrir d’autres routes, d’autres points de vue.

Mais sa conduite, ce n’est pas seulement aller fouler le sable de son pied encore hésitant.
Valentina peut faire ses courses, épargner du temps, de l’argent, et puis…éviter un peu les gens car elle se sent protégée dans son habitacle.

Ce n’est pas grave, on laisse souffler aussi Valentina.
Elle en a fait du chemin depuis les cheveux devant les yeux, le regard figé vers le sol, accentuant la voute dorsale de son attitude foetale.

Et maintenant ?

C’est l’hiver. Période de doute.

Valentina ne sait plus où aller.

Elle vit l’hiver comme une destination de No Man’s Land, et se demande pourquoi tant d’effort et atteindre un parking vide de sens existentiel.

On reprend la route thérapeutique vers le prochain objectif : l’utilité.

Tournez tout droit vers « Indispensable »

Elle : « À quoi je sert ? »

Moi : « Qu’aime-tu faire ? »

Elle : « Raconter des histoires. »

Du bonheur de faire

Elle reprend ses écrits, et du sang d’encre transpiré pendant ces décennies, il en découle un monument.

L’oeuvre de sa vie, est là sous nos yeux.
C’est brillant, et c’est ce qu’elle aime faire.

Et au gré de ses rencontres, elle provoque le hasard. Un homme la galvanise, elle ose parler de ses écrits, et d’en faire quelque chose.

Il envisage de la publier.

Mais non, trop d’exposition, trop de risques.

Valentina n’est pas prête à ce que « le monde entier » la découvre.
Son scénario n’est pas mégalo : il est juste anxieux.

Pendant des années, elle a imaginé le pire, et à ce moment précis, le meilleur est possible.
Mais à cet instant pour Valentina, le meilleur devient le pire.

On décide alors d’un exercice : passer quelques heures auprès de personnes souffrant de traumatismes, elle peut bien faire ce pied de nez à la vie, non ?

Ça y est, Valentina se sent utile.
Elle se porte volontaire pour y faire des permanences.
Valentina y passe de plus en plus de temps.

Elle existe comme Valentina.
La Valentina qui aide les autres.

Celle qui parle maintenant devant 3 amis.

Plus tard, la personne qui prendra la parole devant 15 connaissances.

Aujourd’hui, sachez que c’est une Femme qui prend le micro devant 80 à 100 inconnus.

Elle a gagné.

Valentina est libre !

Prologue – La vraie Valentina

Mais qui est cette Valentina ?

Sans que vous le sachiez, Valentina vous a déjà parlé.
Vous l’avez parfois aperçue.
Des personnes vous ont certainement déjà parlé d’elle.
Un matin, Valentina est passée sur votre fil Facebook.
Et il y a quelques jours, vous avez lu un article parlant d’elle.

Car Valentina, c’est celle que vous voyez au café, celle qui vous dit à peine bonjour à la boulangerie, ou encore la comptable de ton cousin.

Valentina est partout, et il s’appelle parfois Jean-Pierre ou bien Carlu, dont je vous invite à découvrir son parcours dans cet article.

Valentina, Jean-Pierre et Michel ont 30 ans.
Ils ont 22 ans.
Ou 57 ans.
Ils ont l’âge que vous voulez.

Ils vont fêter leur huit ans, leur quatre ans et d’autres sont encore à naitre.

Valentina est partout.

Alors regardez bien, soyez vigilants et prenez soin de votre Valentina ou de votre Jean-Michmich.

A+ les copains

Note :

J’ai choisi Valentina comme prénom pour Valentina Terechkova.

Il s’agit de la première femme à avoir effectué un vol dans l’espace. Cette femme a marqué l’Histoire lors de son voyage spatial, du 16 au 19 juin 1963.

Aujourd’hui, elle est encore l’unique femme à avoir effectué un voyage dans l’espace, seule.

Cédric Daudon
Cédric Daudon
https://cedric-daudon.com/
Je suis Psychologue Cognitiviste spécialisé dans les phobies d'impulsions, les troubles anxieux, les relations toxiques et les problématiques liées à l'enfance. J'exerce en cabinet et par des thérapies en ligne, grâce à la thérapie Cognitive & Comportementale et à l'EMDR. Je suis également le fondateur des centres thérapeutiques & pluridisciplinaires "Sur un Nuage".

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